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Un jour d'épaules nues où les gens s'aimeront (Louis Aragon)

A la poésie, l'art, la musique, la littérature, la sagesse, au romantisme, toutes ces choses qui font que la vie vaut la peine d'être vécue !

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Christiane Rochefort Les Stances à Sophie (1963)

Un livre qui date beaucoup. Les histoires d’amour et de mariage d’avant mai 1968 sont d’une époque révolue comme la princesse de Clèves.

 

Dans ce roman Christiane Rochefort met à bas l’institution du mariage qu’elle pressent comme

« une consécration totale à la vie domestique, avec service de nuit ».

Pour les jeunes générations il permet de connaitre ce qu’était l’univers de la « bonne société » en ce temps là et les premiers coups de pied dans la fourmilière.

 

Le titre est emprunté à une chanson paillarde et grossière de salle de garde
« Sophie, toi que j'aimais tant, j't'emmerde, j't'emmerde.
Sophie, que j'aimais tant, j't'emmerde maintenant… »

 

Vous trouverez facilement la suite de cette chanson sur internet mais là n’est pas l’essentiel, la chanson évoque un type qui n’est plus amoureux d’une fille qu’il a beaucoup aimé et avec qui il a fait l’amour de toutes les façons possibles. Ici c’est l’inverse Céline n’est plus amoureuse de son mari et va s’en débarrasser en chantant :

« Philippe, toi que j'aimais tant, j't'emmerde, j't'emmerde.
   Philippe, que j'aimais tant, j't'emmerde maintenant… »

 

« Ce qu'il y a avec nous autres, pauvres filles, c'est qu'on n'est pas instruites. On arrive là-dedans sans véritable information. On trouve le machin déjà tout constitué, en apparence solide comme du roc, il parait que ça a toujours été comme ça, que ça continuera jusqu'à la fin des temps, et qu'il n'y a pas de raison que ça change. C’est la nature des choses. »

 

« Pourquoi ne te laisserais-tu pas pousser les cheveux ? disait Philippe - 1m82, blond, yeux pervenche, nez adorable, bouche volontaire, front vaste et intelligent… - je t'aimerai tellement mieux avec des cheveux que sans, au moins tu aurais l'air d'une femme,... »

 

Céline, a bien l'intuition qu'elle va faire une erreur en se mariant. Pas vraiment à cause de la personnalité de son futur qui est présenté au lecteur comme un bourgeois d’une famille riche pénétrée de tous les préjugés de l'époque, mais parce que le mariage est un enfermement, le renoncement à soi « le Carmel », lui dit son jeune beau-frère complice le jour de la cérémonie, prêt à faire avec elle les 400 coups. Par une faute d’inattention incroyable ou un véritable lapsus freudien (Christiane Rochefort à étudié la psychiatrie) elle s’est habillée en noir pour le plus beau jour de sa vie.

 

Elle entre en mariage comme on entrerait en religion. Que voulez-vous, elle est amoureuse, et de plus « il a la bonne manière »

 

Il l'a « ramassée » dans une "party", et n'a pas dédaigné, malgré ses nombreux handicaps d'entreprendre une réhabilitation de « cette petite chose perdue, qui n'a d'autre but dans la vie que... vivre ! »


Céline va faire des efforts méritoires pour adopter la vie de femme mariée bourgeoise qu’il lui a offerte et renoncer à sa vie de célibataire joyeuse et chaotique. Elle ne triche pas, elle essaie d'être une bonne épouse et se plie aux exigences de Philippe.

 

Le contrat de séparation de biens entre ceux de Phillips et ses "non-biens" à elle va bien l’étonner un petit peu, mais c’est la tradition, on partage tout chez les bourgeois sauf l’argent.

 

Le comportement de Philipe vis-à-vis d’elle et surtout son incompréhension totale de ses préoccupations, de ses gouts, de ses rêve, même de ses émotions en écoutant un passage de la passion selon Saint Mathieu de Jean Sébastien Bach qu’il passe sur sa chaine HI-FI dont il apprécie semble t-il uniquement le nombre de Watts.

 

Au fond Il ne l'aime que comme un charmant objet soumis à sa propre dévotion, à son service. La sauvegarde des apparences, une voiture neuve, un espoir de carrière politique sont pour Philippe bien plus importants que le fait de savoir qui est au fond cette personne avec qui il a épousée pour le reste de sa vie.

 

Ses amis sont de la même trempe. Elle devient amie intime avec la femme de l’un d’entre eux et elles partagent ensemble leurs désillusions en se consolant mutuellement. La société à l’époque est folle de voitures puissantes et rutilantes. Les limitations de vitesse n’existent pas et souvent ces gens bien font des courses absurdes à qui arrivera le premier à Deauville. Son amie est tuée dans un accident terrible provoqué par son mari avec sa nouvelle voiture et dont il réchappe miraculeusement. A partir de là elle comprend qu’elle n’est pas faite pour cette vie d’apparences et d’imbécilités.

 

Aujourd’hui encore le passe temps favori des français est de critiquer les radars au lieu de les remercier de sauver 4000 vies par an puisque depuis leur installation on est passé de 8000 morts par an à moins de 4000 mais rassurez-vous 2011 a bien démarré pour repartir à la hausse

 

Pour Phillip Céline devient une sacrée emmerdeuse...

 

Christiane de Rochefort créée un personnage qui fait preuve d’une lucidité et d'une exigence étonnante. Au travers de Céline elle analyse les mécanismes de la pollution relationnelle entre les gens. Comme Sartre elle pourrait dire « L’enfer c’est les autres » mais à sa différence elle montre comment s’en échapper.

 

A ceux qui aujourd’hui diront « mais pourquoi l’a-t-elle épousé ? » nous répondront que c’était en 1963 et surtout « qu’il avait la manière » (de bien baiser à l’évidence ;-)


Par rapport à son roman "Le Repos du guerrier", cette fois-ci le mariage y est franchement battu en brèche. Mais Céline n’est pas tourmentée comme Renaud, et  cela fait toute la différence. La révolte de Céline ne la conduit pas au désespoir mais à l’appétit de vivre. Notons que Christiane Rochefort a alors 46 ans. La maturité sans doute ?

 

En 1963 le mariage représente encore quelque chose. Ne sommes nous pas passés dans l’excès inverse ?


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